vendredi 10 février 2012

Les impressions de Pascal Chombart de Lauwe, propriétaire du Nacira n°1

"Certains disent que c'est la plus solitaire des transats, je dirais plutôt que c'est la plus solidaire."
Pascal Chombart de Lauwe sur Xanlite

Pascal, peux tu nous dire comment s’est passé cette Transat 650 LaRochelle-Bahia, un peu spéciale d'un point de vue météo ?

Rétrospectivement très bien, même si les conditions ont été particulières. J’ai eu l’impression de faire une transat à l’envers. Je m’attendais à trouver du vent fort dans le golfe de Gascogne, ce fut la pétole ; du portant suivi par des alizés à partir du Portugal, ce fut du près quasiment jusqu’à Madère. Et ainsi de suite, même si il y a eu des beaux surfs du début de la deuxième étape jusqu’au Cap Vert. L’arrivée au brésil après deux jours au près part 25 nœuds sous la pluie complète ce tableau.
La vie à bord s'est bien déroulée, je dors et je mange très bien en mer même lorsque le vent et les vagues s'acharnent contre nos si petits bateaux comme ce fut le cas tout au long de cette traversée. Les contacts avec les autres coureurs furent aussi d’excellents moment d’amitiés
La seule bonne surprise météo fut le passage du poteau noir sans la pose habituelle, après il faut le dire une belle baston de 12h avec des vents du sud entre 42 et 48 nœuds.

Après tout ces milles, quel bilan tires-tu de ton expérience sur le circuit mini ?

Sur ce dernier point mes expériences précédentes en mini m’ont été très précieuses.  Je connaissais déjà bien mon bateau pour avoir effectué avec Xanlite près de 9000 miles  dans des conditions parfois très difficiles (notamment qualification en mer d’Irlande, 36h par 35 à 40 nœuds au près, 5 fois le mat dans l’eau). Donc j'avais confiance dans la machine bien préparée. La première étape correspondait à des distances parcourues lors de différentes courses et qualification auxquelles j'avais participées, notamment "les sables les Açores" en aout 2010. Par contre, la seconde étape représentait une inconnue non pas sur le parcours déjà effectué en 2005 sur un bateau accompagnateur de la même course, mais sur le fait de passer plus de 3 semaines seul au milieu de nul part. Toutes les courses effectuées durant mes trois années sur le circuit mini en Nacira (plus quelques courses en pogo 2 les années précédentes avec ma fille Marine) m’ont permis de découvrir ou redécouvrir une passion qui ne m’avait jamais lâché depuis plus de 40 ans. L’ambiance de cette classe est extraordinaire et le niveau des « ministes » m’a obligé à faire des progrès rapidement si je voulais rester dans le jeu.

Comment analyses-tu ton choix d’avoir opté pour le Nacira ?


Lorsque Corentin Douguet m’a appelé pour me signaler qu’il lançait la fabrication d’un nouveau mini, je lui ai demandé les plans. Ceux-ci m’ont  immédiatement convaincu. Un bateau puissant avec une portance supérieure aux autres séries, un plan de pont intelligent et efficace, un aménagement cohérent, et surtout,… il est beau. Tous ces points se sont révélés encore plus justes en mer. Le Nacira650 est sensible, pointu, et  il m’aura fallu un peu de temps pour dompter la « bête ».  A la fin de la transat, je commençais à sentir comment exploiter pleinement son potentiel. Si je devais refaire d’autres courses, je pense que j’obtiendrais de bon résultat.

Quelles sont les souvenirs impérissables avec ton bateau ?


Comme tous les ministes, des surfs délirants. Lors du retour des Açores, je suis resté 8 heures à la barre avec 30 à 35 nœuds de vents portant,  sous deux ris et petit spi. Deux pointes à plus de 18 nœuds, l’impression que le bateau allait s’envoler. Mais pas une seule fois le bateau a enfourné, c’était finalement très rassurant. Aussi surprenant que cela puisse paraitre, durant la transat, le long du Portugal, au près par 15 à 20 nœuds de vent, ça tapait, ça mouillait, mais j’ai enfin réussi à le faire avancer mieux que la plupart des autre séries pendant plus de 24h. Je m’étais installé un petit coin douillet dans ma bannette, je lisais un bon bouquin et la « bête » avançait bien. Et bien d’autres encore, des couchers de soleil sous grand spi, et bien sur les dauphins et les oiseaux qui m’ont toujours accompagnés. Je finirais par mon dernier souvenir sur l’eau, mon arrivée à Salvador au petit matin. Un accueil merveilleux, ma femme, ma fille Lucile, mes amis,..le Brésil. Eric Tabarly disait que "le meilleur moment en mer, c'est l'arrivée au port". Donc il faut repartir pour encore et encore retrouver ce plaisir….

Tu as fait le tour en Mini, quels sont tes nouveaux projets ?

Participer à d'autres transats évidemment..
-Une transquadra dans 3 ans pour rejoindre les Antilles sur un JPK 10.10. Comme toutes les courses, la préparation nécessite au moins 2 ou 3 ans avec des épreuves qualificatives que j’envisage pour la plupart en double, mais je souhaite encore courir en solo. Le mini m’a fait découvrir combien j’aimais me retrouver seul au milieu de l’océan.
- Le mini va me manquer, mais à 54 ans ces petits monstres de plaisirs ne sont pas tout à fait raisonnables. Pour garder contact avec la classe mini, peut-être monter un équipage performant sur un bateau de course rapide pour accompagner une prochaine transat 650 en envoyant par iridium des photos et des films des concurrents au large.
       
"Le mini, une folie nécessaire !"
 Pascal Chombart de Lauwe
18ème Transat 650 2011